La machine à réduire l’administration américaine tourne à plein régime sous l’impulsion du DOGE (Department of Government Efficiency) dirigé par Elon Musk. Ce département, créé par Donald Trump, a déjà ciblé plus de 1000 propriétés fédérales pour des coupes budgétaires, visant à réduire jusqu’à 25% des 360 millions de mètres carrés occupés par l’État. L’Administration des Services Généraux (GSA) a licencié plus de 1000 employés, avec l’objectif de réduire 63% des effectifs de son service des bâtiments publics. Ces coupes drastiques touchent des infrastructures essentielles comme les centres d’assistance aux contribuables de l’IRS, les bureaux de la Sécurité Sociale et les agences fédérales dans les zones rurales.
Les méthodes employées par le DOGE suscitent des inquiétudes quant à leur légalité et leur cohérence. Des employés licenciés témoignent d’une approche précipitée, sans analyse préalable des besoins. Les listes de propriétés visées changent constamment, passant de 443 à 320 bâtiments avant d’être retirées sans explication. Des tribunaux fédéraux, des bâtiments historiques et même le siège du ministère de la Justice figuraient initialement parmi les cibles. Cette restructuration rappelle les méthodes de private equity, privilégiant les économies à court terme sans considération pour les services publics essentiels.
Le DOGE d’Elon Musk: Une révolution bureaucratique controversée
Le Department of Government Efficiency (DOGE) s’est lancé dans une mission ambitieuse: tailler dans les dépenses gouvernementales américaines avec une détermination sans précédent. Ce département, initialement perçu comme une coquille vide, démontre aujourd’hui sa capacité à transformer radicalement l’administration fédérale.
Sur les réseaux sociaux, le DOGE affiche fièrement ses « trophées » – plus de 100 millions de dollars d’économies réalisées grâce à la résiliation de centaines de baux fédéraux. Mais derrière ces chiffres impressionnants se cache une réalité plus nuancée. Elon Musk, seul à la tête de cette initiative, promet aux fonctionnaires qu’il restera « suffisamment d’espace de bureau disponible », malgré l’ampleur des suppressions.
La méthodologie employée par le DOGE soulève des questions. Leurs calculs d’économies semblent gonflés, incluant des baux qui étaient déjà sur le point d’expirer ou que le gouvernement n’a pas le droit de résilier prématurément. Un exemple flagrant: le DOGE s’attribue plus d’un demi-million de dollars d’économies pour la fin d’un bail d’espace de bureau attribué à l’ancien président Jimmy Carter, décédé fin 2024 – avant même la création du DOGE.
Une approche de « private equity » dans la gestion publique
Les employés de la GSA comparent cette restructuration à une opération de private equity – ces sociétés d’investissement connues pour leurs coupes drastiques et leurs ventes d’actifs dans le but de maximiser les retours financiers à court terme. Cette vision de réinvention administrative privilégie les économies immédiates sans considération pour les conséquences à long terme.
« Je tente d’économiser chaque centime pour pouvoir payer mon loyer en avril », confie un employé de la GSA craignant de perdre bientôt son emploi. « Je suis allé à une banque alimentaire la semaine dernière pour économiser davantage d’argent. » Ces témoignages révèlent l’impact humain direct de cette politique.
Des services publics essentiels menacés par les coupes budgétaires
Les suppressions de baux et les ventes de propriétés ciblent des infrastructures cruciales pour les citoyens américains, notamment dans les zones rurales et éloignées. L’offensive du DOGE touche des centres d’assistance aux contribuables de l’IRS, des bureaux de la Sécurité sociale et des agences du Bureau des Affaires Indiennes (BIA).
« Si des bureaux locaux ferment, il sera plus difficile pour les bénéficiaires d’accéder aux services », explique un haut responsable de la Sécurité sociale. « Si les gens ne peuvent pas se rendre au bureau parce que le plus proche est trop éloigné ou qu’il est impossible d’obtenir un rendez-vous, alors ils sont privés de services essentiels. »
Type d’infrastructure | Impact potentiel | Populations affectées |
---|---|---|
Centres d’assistance IRS | Difficulté d’accès à l’aide fiscale | Contribuables, personnes âgées, population rurale |
Bureaux de Sécurité Sociale | Retards dans le traitement des prestations | Retraités, personnes handicapées |
Agences BIA | Perturbation des services aux tribus | Communautés amérindiennes |
Bureaux NOAA | Affaiblissement des prévisions météorologiques | Zones à risques climatiques |
Le BIA, par exemple, gère des services essentiels pour les tribus amérindiennes. L’agence Pawnee, menacée de fermeture, dessert environ 7 200 membres de quatre tribus en Oklahoma, gérant la protection de l’enfance et les services immobiliers. Cette politique de réduction systématique risque de compromettre des obligations légales du gouvernement envers les communautés autochtones.
Des conséquences imprévues sur la sécurité nationale
Au-delà des services publics, ces coupes soulèvent des préoccupations sérieuses en matière de sécurité. La GSA gère des informations extrêmement sensibles – plans d’étage, connexions réseau, données privées sur les employés fédéraux. Ces actions précipitées pourraient créer des vulnérabilités exploitables.
« Tous ces travailleurs fédéraux licenciés sont vulnérables au recrutement par Dieu sait qui – Russie, Chine, nommez n’importe quel adversaire étranger », s’inquiète un employé de la GSA. « Ils connaissent le fonctionnement de tout le système. »
Une méthode contestée juridiquement et techniquement
Les licenciements massifs à travers le gouvernement fédéral sont déjà contestés devant les tribunaux. Un juge a récemment statué que le licenciement de milliers de fonctionnaires en période probatoire était illégal. Cette purge administrative crée paradoxalement des opportunités pour les entreprises privées, qui pourraient récupérer certaines fonctions abandonnées par l’État.
Le programme « Space Match » proposé par la GSA illustre les contradictions de cette démarche. Ce système viserait à aider les fonctionnaires à trouver des espaces de co-working face aux fermetures imminentes de bureaux. Plusieurs départements fédéraux, dont le Département du Travail et celui de la Sécurité intérieure, envisagent de participer à cette initiative.
- Problèmes de sécurité des données sensibles dans les espaces partagés
- Incompatibilité des systèmes de classification entre agences
- Coûts élevés d’adaptation des infrastructures de sécurité
- Risques d’accès non autorisés aux informations gouvernementales
- Complications logistiques pour les systèmes d’identification
Cependant, les experts soulignent l’impraticabilité de cette solution. « Les espaces fédéraux comportent de nombreuses exigences techniques, cartes d’identification, codes d’accès », explique un employé de la GSA. « Les agences ne peuvent pas travailler côte à côte. C’est un rêve chimérique. » Cette révolution bureaucratique semble ignorer les réalités pratiques du fonctionnement gouvernemental.
L’impact sur l’infrastructure et la maintenance des bâtiments
Les licenciements massifs touchent également le personnel d’entretien et de sécurité des bâtiments fédéraux. Cette vision économique numérique néglige l’importance de la maintenance physique des infrastructures.
« Ce sont les personnes qui font vraiment tourner les boulons. Ils aèrent les bâtiments avec de l’air et de l’eau pour s’assurer que tout est frais et sain », explique un employé de la GSA. Les bâtiments fédéraux, chroniquement sous-financés, risquent de se détériorer davantage avec ces coupes, mettant potentiellement en danger la santé des employés restants et des visiteurs.
Une stratégie opaque et chaotique de réduction gouvernementale
Le processus de résiliation des baux et d’identification des bâtiments à vendre est marqué par la confusion, les erreurs et des listes de cibles en constante évolution. L’approche du DOGE semble manquer d’analyses approfondies et de planification stratégique.
Cette semaine, la GSA a même publié, puis supprimé, une liste de bâtiments gouvernementaux « non essentiels » qui pourraient être vendus, incluant des tribunaux fédéraux, le siège du Département de la Justice, celui de la Croix-Rouge américaine, et même le siège de la GSA elle-même.
Les entreprises Microsoft, Oracle et Amazon Web Services observent attentivement cette situation, anticipant de potentielles opportunités de contrats pour remplacer les infrastructures physiques par des solutions cloud. Ces géants de la tech pourraient être les grands gagnants de cette transformation gouvernementale.
Face à ces bouleversements, des entreprises comme WeWork, Regus et Spaces se positionnent pour offrir des solutions d’espaces de travail flexibles aux agences confrontées à des fermetures de bureaux. Cette situation crée un transfert de richesse du secteur public vers le privé.
La GSA affirme dans un communiqué que les ventes potentielles « se traduiront par une qualité de service accrue pour nos clients et des économies pour le contribuable américain. » Pourtant, les témoignages internes racontent une histoire différente, celle d’une course effrénée aux réductions sans évaluation adéquate des conséquences.
L’expérience des employés licenciés
Les licenciements à la GSA semblent avoir été effectués sans méthodologie claire. Ce sacrifice imposé aux employés fédéraux soulève des questions sur la légitimité et l’efficacité réelle de ces coupes.
« Nous demandons: ‘Comment choisissent-ils ces bâtiments? Comment élaborent-ils ces listes de licenciements?’ Et tous nos directeurs et superviseurs peuvent dire, c’est: ‘Nous ne savons pas… nous en savons autant que vous' », témoigne un manager licencié.
« C’est tout simplement ahurissant », déclare Michelle Bercovici, avocate spécialisée en droit du travail, qui s’efforce de faire réembaucher des milliers de fonctionnaires. Cet appel à la solidarité reflète l’inquiétude grandissante face aux méthodes du DOGE.
Les compressions dans des agences essentielles comme celle supervisant les prévisions météorologiques (NOAA) suscitent des préoccupations particulières. Cette situation tendue pourrait avoir des conséquences graves, notamment dans les régions fréquemment touchées par des catastrophes naturelles.
Déjà, un conseil de surveillance fédéral a ordonné au Département de l’Agriculture américain de réembaucher temporairement plus de 6 000 travailleurs fédéraux, estimant qu’il existait des motifs raisonnables de croire que l’agence avait agi illégalement en les licenciant. Ce précédent pourrait annoncer d’autres revers juridiques pour le DOGE et sa campagne de réduction gouvernementale.
Dans cette restructuration massive, les entreprises IBM, Dell et Palantir développent déjà des solutions technologiques pour aider les agences à fonctionner avec moins de personnel et d’infrastructure physique. Cette automatisation accélérée pourrait transformer durablement le fonctionnement de l’État américain.